De l’avis de plusieurs spécialistes du tourisme international et conformément aux pronostics de la célèbre prévisionniste hollandaise des modes et tendances futures, Lidewij Edelkoort, la crise sanitaire mondiale modifierait en profondeur les esprits et les comportements.
Le confinement, qui aura provoqué une surconsommation du digital, suscitera un besoin de déconnexion et les voyages, qu’ils soient courts ou longs, risquent d’abonder durant les mois et années à venir. De Pékin à Rome ou encore de New York à Madrid, on se recentrera sur les valeurs intrinsèques de l’homme : vie sociale et interactions avec l’autre. Après le covid, le tourisme, et plus particulièrement culturel, repartira de plus belle. Mais qu’a-t-on préparé pour la phase post-covid, si ce n’est inertie et immobilisme en Tunisie ? Il n’y a pas longtemps, le directeur général de l’Office national du tourisme (Ontt), Nabil Bziouech, a fait remarquer que le tourisme culturel représente, de nos jours, un marché en pleine expansion, disant que le nombre de musées dans le monde est passé de 22 mille en 1975 à 55 mille aujourd’hui.
La Tunisie, qui compte 937 monuments historiques sur tout le territoire tunisien, 38 musées publics gérés par le ministère des Affaires culturelles, 27 musées publics gérés par d’autres ministères, environ 50 musées privés et 14 sites archéologiques ouverts au public, selon l’Institut national du patrimoine, semble incapable de drainer des voyageurs internationaux avides de culture et de nouveaux savoirs. De ce point de vue, certains chercheurs mettent en cause l’absence d’autonomie pour des musées, comme le Bardo et Carthage. D’où l’incapacité de fournir des services à la hauteur des attentes des visiteurs. D’ailleurs, 85% des musées et des sites archéologiques ouverts au public et placés sous la tutelle du ministère des Affaires de la culture ne répondent pas aux standards internationaux. Si bien qu’ils accusent un déficit de visibilité, faute de stratégies de communication adaptées aux exigences de l’heure.
Un programme d’appui à la diversification du tourisme dont on n’entend plus parler
En novembre 2019, lors d’un colloque organisé par l’Ontt, l’attaché de coopération à l’UE, Vladimir Rojanski, a présenté un programme d’appui à la diversification du tourisme, au développement de l’artisanat et à la valorisation du patrimoine culturel, baptisé «Tounes Wejhatoun».
Il a alors fait savoir que ce programme, financé à hauteur de 51 millions d’euros, s’articulera autour de trois grands axes, à savoir la diversification et le renforcement de la qualité de l’offre touristique, en collaboration avec la GIZ, le renforcement des chaînes de valeur dans les domaines de l’artisanat et du design et la valorisation du patrimoine culturel dans l’offre touristique. Or, on n’en a depuis plus entendu parler. Qu’en est-il aujourd’hui ? La réponse est presque connue : que nenni !
Si la Tunisie et la Libye œuvraient
de concert…
Compte tenu des fusions et partenariats conclus sur le plan international entre Allemands et Britanniques, Américains et Hollandais… on est en droit de se demander : pourquoi pas des fusions et alliances entre Tunisiens et Libyens pour jeter les fondements d’une industrie touristique des plus développées ? Les deux pays voisins regorgent, en effet, d’importants trésors culturels et sont riches de civilisations millénaires. Imaginons des circuits alliant le site archéologique de Carthage, la Médina de Kairouan, l’amphithéâtre d’El Jem (en Tunisie) et l’ancienne ville de Ghadamès, le site archéologique de Cyrène et les sites rupestres du Tadrart Acacus (en Libye). Qui d’entre les voyageurs, avides de tourisme culturel, résistera à l’attractivité d’une telle destination ? Selon un grand travail de recherche signé par Halima Elmarzouk, tout comme la Tunisie, «la Libye se caractérise par une richesse archéologique qui a commencé à l’époque des Phéniciens et a été nourrie par toutes les grandes civilisations méditerranéennes… La grandeur de ce patrimoine s’illustre par exemple en observant la ville de Sabratha avec ses colonnes, ses rues, ses arches et ses théâtres ; c’est également le cas pour la ville de Korina, qui a joué un rôle important dans l’histoire ancienne et qui est surtout connue pour sa position stratégique importante ; ainsi que pour un ensemble de villes archéologiques».
Ce même pays maghrébin a également connu, d’après la même chercheuse, «les anciennes civilisations, dont des fresques ont été découvertes dans les montagnes de l’Akakus, des peintures à Tadrart et des sites à Kerza dans la région centrale». La Libye a, donc, été le témoin de civilisations successives «comme celle des Pharaons, des Phéniciens, des Perses, des Grecs, des Romains, des Vandales, des Byzantins, des Arabes, des Espagnols, des Turcs, des Maltais et des Italiens». Conjuguées aux richesses carthaginoises, toutes ces richesses culturelles et civilisationnelles marquant le territoire libyen seraient en mesure de faire des deux pays une destination de premier choix en matière de tourisme culturel. Les gouvernants des deux pays n’ont qu’à passer à l’acte, s’ils veulent vraiment bâtir l’avenir de leurs peuples.